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Mémoire Bonin-Boulanger

Présentation des auteurs

Ce mémoire est déposé par Mireille Bonin et Marie-Christine Boulanger, co-coordonnatrices du Groupe aménagement du territoire du Collectif 55+ et administratrices au Conseil d’administration de l’organisme. Ce groupe du Collectif 55+, a pour objectif d’apporter une réflexion sur l’aménagement du territoire et de rechercher les conditions qui peuvent garantir, accroître ou améliorer la qualité des milieux de vie. Il fera connaître ses réflexions et ses recherches par l’organisation de rencontres, conférences, ateliers ou tables rondes et sa participation à des consultations publiques.

Quels enjeux devraient guider l’élaboration du plan d’action pour les aînés 2017-2020 de la Ville de Québec?

La possibilité, pour les aînés de toute condition économique, dans chaque quartier de la Ville:

  • de choisir leur milieu de vie et leur lieu de résidence, dans un éventail de possibilités, pour profiter du soutien et de l’entraide dont ils ont besoin pour conserver et soutenir leur autonomie et leur indépendance;
  • d’avoir accès à des commerces et des services de proximité qui répondent à leurs besoins;
  • de garder un contact avec la nature tout au long de leur vie;
  • de pouvoir sortir à l’extérieur en toutes saisons de façon sécuritaire; d’aller marcher à l’ombre l’été et sur des allées déblayées et déglacées en hiver, à proximité de leur lieu de résidence;
  • de participer à des activités physiques et sociales et de pouvoir avoir accès à des modes transports appropriés pour y accéder;
  • de garder un contact avec les autres, de tous groupes d’âge tout au long de leur vie.

Selon vous, lesquels de ces enjeux vous semblent prioritaires pour favoriser la participation sociale des personnes aînées?

Les enjeux cités précédemment sont regroupés sous trois thèmes prioritaires :

L’aménagement du territoire : habitat et cadre de vie - Lieu de résidence

L’aménagement du territoire est déterminant pour permettre aux aînés de choisir le milieu de vie dans lequel ils veulent évoluer. En 2014, 85 % des Canadiens âgés de 55 ans et plus indiquaient vouloir continuer à vivre à domicile. Le sujet est connu et plusieurs auteurs qui le mentionnent. C’est aussi une source de préoccupation et d'inquiétude pour les aînés, comme le rapportait Christyne Lavoie du Centre de recherche sur le  vieillissement de Sherbrooke dans sa conférence Habitats des aînés : Ancrages et mobilités, Québec, 18 mars 2016, dans le cadre du Séminaire France-Québec :

  • Adaptabilité (potentiel, coût, délai, etc.)
  • Accessibilité financière (entretien du domicile, coût des services à domicile, coût d’une place en résidence privée, etc.)
  • Sécurité (en cas de chute, environnement sécuritaire, etc.)
  • L’habitation remplit une fonction sociale et identitaire (Bigonnesse, Beaulieu et Garon, 2014).

Il faut que les villes et les autres paliers décisionnels travaillent ensemble pour mettre en place les conditions nécessaires à ce maintien à domicile par l’aménagement de quartiers de proximité offrant commerces et services accueillants pour les aînés, par la mise en place de programmes d’aménagement du domicile, d’offre de transport et par un accès réaliste à des services de santé convenant à la clientèle aînée.

D’autres peuvent opter pour l’offre de service actuelle. Mais de plus en plus d’aînés aimeraient pouvoir choisir des milieux de vie alternatifs offrant toutes les caractéristiques permettant le maintien d’une vie de qualité dans la dignité, dans des habitats à échelle humaine, et une fourchette de prix accessible. Ce choix devrait pouvoir s’exercer dans chacun des quartiers et être indiqué clairement dans les grandes orientations du schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Québec, et dans les deux nouveaux plans d’action 2017-2020 sur l’accessibilité universelle ainsi que celui sur les aînés.

Les aînés d’aujourd’hui sont les jeunes des années 1960 qui ont toujours pris leur vie en main et qui continuent à le faire. Ils souhaitent être actifs, ils sont concernés par leur milieu de vie, l’habitat et la société dans laquelle ils vivent. Les formes alternatives d’habitation leur sourient davantage que les grands ensembles et les tours d’habitation de style « hôtel », qui représentaient le rêve de retraite de certains aînés de la génération précédente et des promoteurs, pour une grande part. Décider par soi-même de la manière de vivre sa vieillesse, ne pas se la faire imposer par des institutions. Tous les acteurs sociaux doivent être concertés et mis à contribution pour améliorer ou maintenir la qualité de vie des aînés. Les innovations peuvent résider dans les formules juridiques de propriété, les modes de gestion, l’aménagement physique des habitations, les services et espaces communs offerts ainsi que les relations établies avec la communauté environnante. Nous nous référons ici à l'ouvrage La participation des aînés à la conception et à la gestion des projets résidentiels au Québec, Rapport de recherche présenté à la Société d’habitation du Québec par Francine Dansereau et Gérald Baril, mars 2006.

Lors du séminaire France-Québec, cité précédemment, cinq modèles ont été présentés, qui répondent aux objections posées aux modèles traditionnels – dont les résidences privées de grande taille.

  • La Maison-Centre de services (Service House) scandinave
  • L’Habitat-partagé européen
  • La Maison écologique (Green House) étatsunienne
  • Le cohabitat (Cohousing – habitat groupé) scandinave
  • La coopérative de solidarité en habitation

Comme exemple d’habitat groupé, on peut aussi mentionner le modèle « Abbeyfield ».

Il est possible de développer ces modèles au Québec, et les divers paliers de juridictions canadiens (municipalités, gouvernements provincial et fédéral) devraient emboîter le pas et mettre en place les mécanismes, subventions, modifications juridiques, pour soutenir et faciliter les mises en place d’initiatives citoyennes en ce sens. Les villes peuvent avoir un apport à cet égard avec des incitatifs financiers et même considérer devenir des partenaires de ces nouvelles constructions. Actuellement, ceux qui osent rencontrent des embûches souvent insurmontables, ce qui entraîne la mise de côté de beaux projets, même si certains sont en voie de réalisation, par exemple un projet 50+ sur la Rive-Sud de Montréal

Ainsi, chacun des quartiers de l’agglomération devrait s’inspirer des critères des écoquartiers conçus par l’organisme Vivre en Ville de manière à engendrer la collaboration du milieu pour faciliter la vie des aînés. Partout sur le territoire, des quartiers suffisamment denses pour permettre aux gens de créer des liens entre eux, avec des places publiques, des commerces et des services de proximité, la possibilité de tout faire à pied ou en transport en commun. Concevoir l’aménagement du territoire comme un système de soutien des milieux de vie en synergie avec la qualité de vie des citoyens de tous âges. Il ne faut pas confondre les critères d’écoquartiers de Vivre en Ville avec les projets mis en place par des promoteurs sous le vocable d’écoquartiers, ce n’est pas la même chose. Une autre source d’inspiration serait les critères déterminés par le Milken Institute, section « Center for the future of aging » pour identifier le palmarès des meilleures villes américaines où il fait bon vieillir.

L’aménagement du territoire : habitat et cadre de vie - Espaces extérieurs

Concevoir l’aménagement de paysages urbains, protéger les arbres, augmenter l’indice de canopée, accentuer la lutte aux îlots de chaleur constituent quelques-uns des éléments nécessaires pour assurer aux citadins un contact permanent avec la nature. La ville va dans la bonne direction avec la vision de l’arbre 2015-2025, avec la consultation en cours sur l’idée de redonner l’accès aux rivières en ville. Mais il faut faire encore plus, les changements climatiques exigent des mesures exceptionnelles.

Les aînés ont besoin d’espace sécuritaire pour les inciter à demeurer actifs, pouvoir faire une promenade à pied dans des allées de fraîcheur l’été et dans ces espaces bien entretenus en hiver. Il faut inclure ces éléments dans tous les milieux de vie pour permettre aux aînés le contact avec la nature et avec une grande diversité d’espèces vivantes. Bref, il faut adapter nos milieux, les faire évoluer pour pouvoir composer avec la réalité de tous les citoyens, peu importe leur âge ou leur condition physique afin qu’ils puissent être autonomes et libres de se déplacer en ville. Il faut inclure dans ces préoccupations la réalité des changements climatiques qui apporte de plus en plus fréquemment des épisodes de chaleurs accablantes et des phénomènes climatiques extrêmes en hiver.

C’est pourquoi il faut mettre à la disposition des aînés des lieux accessibles en été pour leur permettre de sortir et de se rafraîchir, des espaces verts de proximité dans tous les quartiers, de petites places publiques avec du mobilier urbain bien conçu et invitant, ergonomique pour les personnes âgées et à mobilité réduite. Ces places publiques accessibles doivent évidemment comporter des toilettes publiques propres et bien entretenues et l’accès à de l’eau potable; souvent leur absence va empêcher les personnes âgées de sortir de chez elles. À l’égard des toilettes publiques, la ville de Sydney en Australie a inclus cet élément dans sa stratégie  « Sydney 2030, Green, Global, Connected », pour soutenir un début de réflexion à cet égard. La ville de Québec est très en retard au regard de l’aménagement de toilettes publiques bien entretenues, bien localisées et facilement accessibles, près des parcs et autres lieux publics.

La lutte aux chaleurs accablantes en ville, qui affecte particulièrement les personnes âgées, c’est aussi une manière d’assurer l’autonomie des aînés en leur permettant de sortir de leur domicile, en adaptant les quartiers pour qu’ils puissent profiter de la nature tout au long de l’année, partout sur le territoire, en composant avec la réalité de nos quatre belles saisons.

D’ailleurs, les institutions et appartements pour les gens en perte d’autonomie ne se préoccupent pas de maintenir les gens en contact avec l’extérieur et encore moins de leur fournir un espace pour aller marcher. Les gens, « pour leur sécurité », sont confinés à l'intérieur et perdent ainsi le contact avec la vie et les activités physiques; condition aggravante des maladies cognitives. Rester confinés avec, « d'autres vieux », est une perspective terrifiante. Il faut pouvoir se rendre compte que la vie continue, voir des enfants qui courent, des jeunes à bicyclette, des couples se promener main dans la main. Les personnes âgées doivent sentir qu’elles font encore partie de cette société, qu’elles ont toutes contribuées à créer, par leur travail et leur générosité. Un bel exemple d’inclusion en relation avec la nature et les liens entre citoyens, relaté par le journaliste Ian Bussières dans le Soleil du 3 aôut 2016 ; un beau jumelage entre résidents du CHSLD Le Faubourg et des résidents du quartier St-Jean Baptiste.

Participer à des activités physiques et sociales et s’y rendre facilement

Le Globe and Mail rapportait dans ses articles d’enquête que pour retarder les maladies cognitives, fléau croissant avec une population vieillissante, il faut être actif physiquement et socialement. Garder contact avec le milieu est un gage de santé physique et mentale, car l'Alzheimer et les autres démences découlent d’un assèchement du cerveau dû à un manque d'usage, souvent l'une des conséquences de la solitude et de l’isolement social, dans un monde où les couples et les rapports familiaux se défont souvent assez tôt dans la vie.

Il faut prendre des mesures, avec la collectivité dans laquelle vivent les aînés. Ici encore la concertation des acteurs concernés est essentielle; que ce soit les centres sportifs, communautaires ou les ressources de santé en prévention, tous peuvent jouer un rôle déterminant. L'une des activités déficientes chez les aînés, c'est la marche et la possibilité d'aller à l’extérieur pour garder un contact avec la nature. S’il est vrai, comme le rapportait François Cardinal, que les jeunes sont perdus sans la nature, ce constat devrait être aussi vrai chez les aînés. De plus, pour faire des activités, voir des gens, veiller à son bien-être, il faut pouvoir s’y rendre. Le transport convenant aux aînés est souvent du ressort des organismes communautaires ou tributaires du bénévolat. Le déplacement aisé pour les personnes âgées, qui souvent ne peuvent plus utiliser leur automobile, et pour certains résidents dans des quartiers moins bien desservis par le transport en commun, peut devenir facilement un facteur d’isolement social, bien malgré leur volonté.

On se souvient tous des images d’aînés qui jouent à la pétanque devant chez eux en Europe. Cette possibilité dépend de l'aménagement du territoire. Plus près de nous, on pratique ce jeu au Domaine Maizeret et au parc de Bellevue. C’est un plaisir de voir rire ces gens du 3e âge, dans un endroit de mixité urbaine. La pétanque n’est qu’un exemple, mais on peut aussi penser à des gens qui jardinent devant chez eux dans de petits espaces; un terre-plein de la municipalité suffirait pour permettre cette activité collective, rejoignant jeunes et moins jeunes.

Selon vous, à partir des enjeux priorisés, quelles sont les situations désirées et les solutions que vous proposeriez  pour les atteindre?

  • Bien connaître les différentes réalités qui composent le tissu social des différents quartiers et concevoir le développement avec l’aide des citoyens qui la composent.
  • Pouvoir participer à des activités physiques et sociales, c’est une question de santé publique et de lutte aux maladies cognitives. Pour y répondre, une des solutions passe par le maintien et la création d’espaces et de centres communautaires, d’espaces de jeux, d’exercices physiques et d’activités extérieures dans chaque quartier de la ville, été comme hiver.
  • L’enjeu de l’autonomie et de liberté de choix du milieu de vie des aînés est la grande priorité. S’intéresser à cet enjeu de développement durable est gagnant pour toute la société. Le modèle des écoquartiers mentionnés plus haut est incontournable. Les personnes âgées doivent être partie prenante des projets qui les concernent et pouvoir exprimer leurs besoins.
  • L’enjeu de l’adaptation aux changements climatiques via une infrastructure verte continue de quartier en quartier pour assurer aux aînés de maintenir le contact avec la nature est une question de santé publique et de santé mentale. La solution passe par une concertation des 3 ordres de gouvernement pour réduire les gaz à effet de serre et accorder des investissements en santé publique. Les aînés sont les plus vulnérables en matière de changements climatiques
  • Les aînés doivent être consultés et être parties prenantes aux enjeux de société et décisions qui les concernent. La responsabilité de maintenir les aînés autonomes et en santé est un enjeu social, politique et économique est doit être partagée entre tous les acteurs de la société. Écouter les aînés eux-mêmes sur leurs besoins est essentiel, ce sont des citoyens à part entière. Un mécanisme de consultation publique indépendant pourrait en être le soutien principal.
  • Les 3 paliers de juridictions canadiens doivent se concerter d’urgence et mettre en place des moyens pour faciliter l’accès à de nouveaux modes d’habitation souhaités par les aînés; des mécanismes, subventions, modifications juridiques, pour soutenir et faciliter les mises en place d’initiatives citoyennes en ce sens. Les villes peuvent avoir un apport avec des incitatifs financiers et même considérer devenir des partenaires de ces nouvelles constructions.
  • Développer en concertation avec les milieux concernés et des citoyens aînés de différents quartiers et conditions physiques, et mettre en place, des modes et des modalités de transport convenant aux besoins des personnes aînées et âgées.

Date de dernière mise à jour : 14/08/2016

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