Notes de lecture rédigées par Jean Laliberté, décembre 2022.
Ce texte est basé sur des informations tirées de Wikipédia, ainsi que sur deux articles du magazine Foreign Affairs : «The Weakness of Xi Jinping» par Cai Xia, un cadre du Parti communiste chinois qui a enseigné durant quinze ans à l’École centrale du Parti et qui réside maintenant à l’étranger après avoir été déclaré persona non grata; et «The World According to Xi Jinping » par Kevin Rudd, ancien premier ministre et ancien ministre des Affaires extérieures de l’Australie.
Les autorités chinoises présentent leur système de gouvernement comme supérieur au régime démocratique. En dehors de la Chine, certains le pensent aussi. Par exemple, Klaus Schwab, président du Forum économique mondial, a fait récemment la déclaration suivante à la télévision chinoise : « Je pense que la Chine est un modèle pour plusieurs pays. […] Nous devons laisser chaque pays choisir le système qu’il veut adopter. Je pense que nous devons être très prudents dans l’imposition d’un système. Mais le modèle chinois est assurément très attrayant pour plusieurs pays ». M. Schwab n’a cependant pas précisé quels aspects du modèle chinois sont attrayants, ni pour quels pays ils le sont.
La nature et le fonctionnement du système chinois sont peu connus. Mais suffisamment d’informations ont été publiées sur le sujet pour nous permettre de comparer ses caractéristiques avec celles des régimes démocratiques.
Ce texte décrit d’abord la structure du Parti communiste chinois, traite du gouvernement chinois, examine le fonctionnement d’ensemble de l’appareil politique et analyse les changements apportés par le président actuel, Xi Jinping. Ces données pourront permettre aux lecteurs de juger de l’intérêt que présente le système chinois pour les autres pays du monde.
Le Parti communiste chinois
Le Parti communiste chinois (PCC) : est l’organisation qui dirige le gouvernement de la Chine et qui régente la société chinoise. Il compte plus de 100 millions de membres, dont 11 millions de cadres, répartis dans 3,9 millions de cellules et autres entités.
La structure du Parti est la suivante :
Congrès national du Parti
Le nom officiel de cette instance est : Congrès national des représentants du peuple de la République populaire de Chine. On l’appelle aussi le Congrès du peuple.
Il est composé d’environ 3 000 membres désignés par les diverses instances du PCC. Les deux-tiers sont des cadres du Parti et les autres de simples militants. Les membres sont nommés pour cinq ans et se réunissent une fois par année.
Comité central
Le Comité central est composé de 400 membres. Il est la plus haute autorité du PCC entre deux sessions du Congrès. Il nomme les membres du Politburo et du Comité permanent.
Politburo (ou bureau politique)
Le Politburo est composé de 18 à 25 membres. Sa fonction est de diriger le PCC.
Comité permanent du Politburo
Tout simplement appelé Comité permanent, il est composé des cinq à neuf membres les plus influents du Politburo. C’est lui qui, dans les faits, dirige le Parti au jour le jour.
Secrétaire général
Le Secrétaire général du PCC détient aussi le poste de Président de la République et de chef des armées. Il est désigné par le Congrès national du Parti pour un terme de cinq ans. Avant Xi Jinping, le secrétaire général ne pouvait pas obtenir plus de deux mandats, mais Xi a fait modifier la constitution pour pouvoir gouverner toute sa vie s’il le désire.
Gouvernement chinois
Le gouvernement est chargé de mettre en œuvre les programmes et services gouvernementaux sous la supervision du PCC. La direction centrale est assumée par un premier ministre désigné par le Congrès national. Différentes entités (ministères, agences) œuvrent au niveau national et provincial (34 provinces et régions spéciales - dont Hong Kong et Macao), ainsi qu’au niveau des nombreux districts et départements.
Tous les organes de l’État sont supervisés par des commissions du Parti, ce qui fait qu’il n’existe pas de distance entre le politique et l’administratif. Par ailleurs, les armées sont chapeautées par une Commission militaire centrale présidée par le Secrétaire général.
Fonctionnement de l’appareil politique chinois
La façon dont sont désignés les cadres du parti et les titulaires des diverses fonctions n’est pas transparente. On sait toutefois que les élections sont rares, car le nombre de personnes désignées correspond la plupart du temps au nombre de postes à combler. Les votes servent à ratifier des décisions déjà prises.
Cai Xia dit du PCC qu’il s’agit moins d’un parti politique que d’une mafia. Pour grimper les échelons, la loyauté est plus importante que la compétence. Ce qui compte le plus sont les liens familiaux et les liens tissés au cours de la carrière.
Pour bien comprendre la gouvernance actuelle de la Chine, il faut connaître les changements apportés par Xi Jinping.
Le règne Xi Jinping
Xi est président de la Chine depuis 2013. À cette époque, la plupart des dirigeants des pays occidentaux croyaient encore que la Chine allait se libéraliser, tant au point de vue économique que politique. Malgré les signaux on ne peut plus clairs de Xi, qui écrit beaucoup et qui a affiché clairement ses idées, les Occidentaux ont continué de s’accrocher à leur vision optimiste jusqu’à récemment.
Le Président Xi a recentré le PCC sur l’idéologie marxiste-léniniste avec laquelle les présidents précédents avaient pris une certaine distance. Ce parti pris idéologique lui a permis de consolider son pouvoir.
Même si le culte de la personnalité a été nommément banni dans le texte de la constitution du pays, le Président Xi fait tout pour promouvoir son prestige personnel. Sa photo est affichée partout et ses écrits ont été rassemblés dans un livre largement diffusé qui ressemble au petit livre rouge de Mao. Il utilise les instances du Parti non pas pour consulter les membres, mais pour présenter de longs monologues qui traduisent ses volontés.
Sous les présidents précédents, il existait une certaine forme de collégialité dans les instances du Parti. Par exemple, on parlait du tandem Jiang-Zhu (Jiang Zemin et Zhu Rongi le premier ministre) et du tandem Hu-Wen (Hu Jintao et Wen Jiabao). Mais sous Xi Jinping, aucune mention n’est faite de Li Kequiang, le premier ministre. Contrairement à tous ses prédécesseurs, à l’exception de Mao, Xi se conduit comme un véritable monarque.
Sous sa présidence, le contrôle du PCC sur les sociétés publiques, ainsi que sur les entreprises privées, a été renforcé. L’État chinois a été replacé au centre de la politique économique et le rôle du marché a été réduit d’autant. Les comités du Parti ont un rôle accru dans le fonctionnement des compagnies privées : ils choisissent les hauts dirigeants et prennent les décisions importantes au sein des conseils d’administration.
Xi a indiqué qu’il veut que son pays devienne autosuffisant dans tous les secteurs de l’économie pendant que l’économie mondiale deviendrait de plus en plus dépendante de la Chine. Celle-ci fait agressivement la promotion de son modèle de développement et offre aux pays qui rejettent le libéralisme ses technologies de surveillance de la population et de formation des policiers, en plus de leur offrir des conseils stratégiques. Elle vise à devenir la première puissance mondiale d’ici 2049 et a fixé des objectifs pour faire en sorte que d’ici 2035 le pays ait complété la modernisation de ses forces armées.
En matière de politique étrangère, le gouvernement est devenu plus agressif et n’hésite pas à condamner les pays qui le critiquent et même à prendre des mesures de rétorsion.
Kevin Rudd croit cependant que la principale vulnérabilité de Xi se trouve du côté économique. La population chinoise vieillit rapidement, la main-d’œuvre décline, le niveau de productivité n’est plus ce qu’il était et la dette publique, de même que celle des entreprises, a atteint des niveaux inquiétants. La croissance du PIB n’a été que de 3 % en 2020 et va baisser à 2 % d’ici 2030. Le budget de l’État va être sous pression, alors que les dirigeants vont être forcés de choisir entre la nécessité de financer les soins de santé ainsi que les pensions des aînés, les investissements dans la défense nationale et la poursuite de la Belt and Road Initiative.
Suivant son optique marxiste-léniniste, Xi est convaincu du déclin de l’Occident et de la victoire ultime de la Chine. Rudd pense que cet état d’esprit pourrait amener Xi à prendre de très mauvaises décisions. Il met Washington en garde contre la présomption que les dirigeants chinois seront toujours guidés par ce que les Occidentaux croient être une vision rationnelle des meilleurs intérêts de la Chine. Il n’est pas le seul à penser ainsi. Les observateurs soulignent les dangers d’une direction autocratique. Le fait qu’il n’existe aucun contre-pouvoir conduit à une prise de décision arbitraire qui peut devenir source d’erreurs graves, sinon catastrophiques.